« Lip se bat pour tous les travailleurs » – Interview de Charles Piaget par Gérard Borel
Le colloque national sur l’emploi organisé à Besançon par la CFDT et les travailleurs de Lip débordait le cadre des seuls travailleurs de Lip à l’heure où s’amorce une récession économique de dimension mondiale. On assiste à une montée régulière du chômage depuis 10 ans et la Population Disponible à la Recherche d’Emploi (dernière appellation des chômeurs) atteint en décembre 1973, 735 000 personnes. Le débat sur la politique industrielle et les aides de l’Etat a été particulièrement suivi. Les aides de l’Etat à l’industrie sont très sélectives et visent à assurer une force de frappe de l’économie française sur le marché mondial. L’Etat accorde beaucoup plus d’argent pour rationaliser l’industrie, donc licencier, que pour créer des emplois. On a pu voir que ces aides de l’Etat peuvent aussi servir des intérêts politiques quand il veut sanctionner les travailleurs de Lip. Dans son interview, Charles Piaget explique le démantèlement progressif de l’entreprise Lip, et la nécessité, dans ce contexte, de relancer et de dynamiser la lutte. Sans baisser les bras il affirme qu’il y a encore des solutions et qu’il faut continuer la lutte pour faire aboutir positivement le conflit.
Lors du Conseil National, Michel Rocard a donné des informations sur le combat des Lip et demande aux militants PSU de la combativité et de l’imagination à l’image des Lip. Après avoir expliqué les raisons de l’échec de Giraud, repreneur potentiel soutenu par le gouvernement, Michel Rocard explique comment un projet industriel s’est ébauché et pourquoi il est aujourd’hui en danger du fait de l’incompétence et de l’aveuglement politique du Ministre Charbonnel, du désintérêt de Giraud pour l’entreprise et du retrait de la Société Générale. Les propositions du gouvernement sont la reprise de l’entreprise par le créancier principal de l’ancienne usine Lip pour en faire une filiale purement suisse avec des travailleurs à nouveau dans une multinationale et d’adosser l’entreprise au secteur de l’armement. Michel Rocard ajoute que les plaintes pour recel de machines cachées par les travailleurs de Lip entretiennent l’inquiétude des 1200 travailleurs et de leurs familles. Mais la crispation entretenue à la suite des inculpations a aussi contribué à renforcer l’unité des travailleurs. Le PSU dénonce l’attitude d’un certain patronat, des pouvoirs publics qui veulent la mort de l’entreprise et affirme son soutien aux décisions des travailleurs.
5 Septembre 1973 • Correspondance, Michel Camouis
Au Larzac, les paysans ne seront plus jamais des Versaillais. Dans un esprit révolutionnaire, les paysans refusent les décisions de l’Assemblée et sont contre l’implantation de terrains militaires sur l’emplacement des terres agricoles. Ils étaient peut-être 100 000 venus, de Bretagne, du Jura, de l’Est, d’Occitanie, de partout en France et à l’étranger, à la grande rencontre organisée au « Raja del Gorp », amphithéâtre de 5 à 6 Hectares. La présence la plus remarquée dans ce rassemblement est celle des ouvriers de Lip. Bernard Lambert a donné le ton de cette rencontre en soulignant le mariage des ouvriers et des paysans. Les ouvriers de Lip et les paysans du Larzac refusent d’être les jouets de décisions scandaleuses et de voir leur sort réglé par des technocrates lointains. La démonstration est faite, car désormais paysans et ouvriers non seulement se comprennent mais parlent le même langage. C’est la naissance de l’organisation des paysans-travailleurs, d’une organisation syndicale de classse, ouvertement anti-capitaliste en milieu agricole. C’est aussi la création d’un réseau de liaison pour organiser la lutte et la réflexion.
« Gardarem lo Larzac » ou « nous gaderons le Larzac » en Occitan, revendication des paysans du Cantal qui s’opposent au projet d’extension des terrains militaires à des fins d’expérimentation et de présentation de matériel militaire. Un grand cortège de tracteurs est parti de Millau avec l’idée d’arriver à Paris mais ils ont été bloqués à Orléans. C’est 520 personnes que l’on va chasser des terres agricoles contre de l’argent. Cette manifestation largement soutenue par la population tout au long du parcours a fait prendre conscience de la nécessité de l’unité d’action avec les ouvriers, les enseignants qui travaillent comme les paysans du Larzac dans des conditions difficiles et qui se battent pour défendre leur outil de travail. Naissance d’un comité de soutien organisé par le PSU.