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Jacques
Sauvageot

Des idées pour un socialisme du XXIe siècle ?

54 millions d’individus sans appartenance. L’obstacle invisible du septennat. Essai de psychopolitique.

Cote : MEND

L’événement politique majeur du septennat concerne la démobilisation des militants, la désaffection grandissante vis-à-vis de l’engagement syndical et, plus généralement, le « manque d’adhésion active » de l’électorat de gauche. Evénement paradoxal, apparemment, puisque l’essentiel des promesses a été tenu. Mais le problème est de fond : il tient, en Occident, à la montée en force de l’individu, qui prend à contre-pied le mouvement socialiste. L’individu moderne est né vers la fin du XV° siècle avec l’essor de l’économie marchande, quand le lien entre les membres de la société traditionnelle s’est relâché. A une appartenance totale à la communauté ont alors succédé des appartenances « partielles » et souvent contradictoires : nationale, professionnelle, économique, sociale, sexuelle, religieuse, et, aussi, inconsciente et irrationnelle. Depuis cinq siècles, l’histoire de l’Occident est marquée des crises de croissance de cet individu ou de ses « maladies infantiles », qui s’appellent le luthérianisme et l’hitlérisme, l’anarchisme et Mai 68, et que reflètent les romans de Simenon ou « la Foule solitaire ». Au terme de cette « Longue Marche » s’est dégagé, en chacun de nous, un « individu sans appartenance », solitaire et débranché du social, qui essaie d’harmoniser ses appartenances diverses, d’inventer la « petite musique » intérieure d’une identité personnelle, de faire face à la réalité. Dans cette lutte secrète, difficile, héroïque parfois, réside la grandeur humaine de l’individu contemporain. Indéniablement, cette lutte s’accompagne aujourd’hui d’un repliement sur soi, narcissique, frileux. Ce repliement est dû à l’impossibilité de participer à la société actuelle sans se perdre comme individu. En effet, à la coupure politique entre droite et gauche s’ajoute celle, ancienne mais qui s’aggrave, et qui n’épargne pas les organisations de gauche, entre un « En-Haut » de quelques dizaines de milliers de décideurs et un « En-Bas » de plusieurs dizaines de millions d’exécutants ayant perdu toute motivation individuelle. Or, à la différence de la droite, la gauche au pouvoir ne peut se passer du soutien actif de son électoral. Saura-t-elle comprendre à temps les aspirations nouvelles de l’individu à un accomplissement personnel et créatif dans le travail et dans la vie sociale, elle que tout son passé militant conduit à privilégier les « organisations » ? L’avenir du septennat, autant que d’une réponse à la crise économique, va dépendre de la capacité politique de libérer le considérable potentiel d’énergie, d’imagination, d’intelligence des individus de notre époque.

MENDEL Gérard
1983
21,5 x 13,5 cm, 228 p.
Robet Laffont